Synthèse du projet⌗
Contrairement aux high-tech, les low-tech sont simples, durables et plus accessibles en général. On s'intéresse au déshydrateur solaire en tant que low-tech, c'est à dire qu'on essaiera de situer le système technique dans un contexte socio-économique précis afin de questionner la pertinence de son usage.
Fonctionnement - Livrable 1⌗
Ce premier livrable est une introduction au séchage alimentaire et au déshydrateur solaire, ainsi qu'aux différents besoins auxquels il répond.
La déshydratation est une technique ancestrale permettant de conserver les aliments en réduisant la masse humide contenue dans la matière. D’abord utilisées par des populations vivant dans des climats chauds et secs, les techniques de séchage se sont diversifiées pour s’adapter à de nouveaux climats et besoins. Un aliment peut être séché à l’air libre directement au soleil, ou à l’intérieur d’un système plus complexe permettant d’amplifier ce phénomène naturel.
Le séchoir solaire cherche à améliorer la performance de la déshydratation en convertissant l’énergie solaire en énergie thermique grâce à un capteur absorbant le rayonnement du soleil. Les aliments sont ensuite placés dans une chambre de séchage, où ils sont chauffés par convection naturelle.
Figure 1 : Schéma du fonctionnement du séchoir solaire
L'évolution technologique a permis à d'autres techniques concurrentes se basant sur une autre source d'énergie que le soleil d'émerger, notamment le séchage dans un déshydrateur électrique, dans un four ou dans une chambre chauffée grâce à la géothermie (en cours de développement).
Cas d'usage - Livrable 2⌗
Ce deuxième livrable présente les enjeux socio-économiques liés au séchoir solaire. Après étude de plusieurs cas d’usage susceptibles d’être intéressés par cet objet technique en France, celui des petits agriculteurs locaux s’est imposé comme le plus approprié. En effet, pour les agriculteurs locaux, dont la taille de la production est compatible avec le séchage solaire, celui-ci permet d’assurer la conservation des aliments afin de réduire les pertes et stabiliser les rendements agricoles en amortissant les risques dus à de faibles récoltes.
Ainsi, nous avons décidé de garder les agriculteurs locaux comme cas d’usage. Cependant la concurrence avec d’autres moyens de conservation plus répandus tels que la mise en conserve et la réfrigération limite l’implantation dans le marché de la technique du séchage solaire.
Le modèle de production adopté consisterait à vendre au grand public des plans techniques simplifiés ainsi que le matériel nécessaire à la construction du séchoir, mais aussi de proposer les services d’artisans qualifiés pour la construction.
Dans l’esprit de la low-tech, ce modèle se détache de l’industrialisation de masse et reste donc relativement à petite échelle. Les matières premières sont alors issues de fournisseurs locaux, et une chaîne d’évaluation, de collecte/redistribution et de traitement permet la prise en charge du système en fin de vie. Ces activités nécessitent l’implantation de boutiques-ateliers dans différentes villes de France, facilitant la connaissance et la commercialisation du séchoir solaire low-tech dans les communautés d’agriculteurs et d’artisans.
Analyse technique du système - Livrable 3⌗
L’analyse technique complète du système que nous avons menée dans ce troisième livrable révèle de nombreuses problématiques. En effet, le phénomène de déshydratation d’un fruit ou d’un légume ne suit pas de loi universelle et il est pratiquement impossible de prédire le comportement de notre système dans les conditions diverses impliquées par les cultures de différents aliments, sans parler des variations liées au climat. En plus de cette difficulté à établir un modèle fiable, nous avons tenté de calculer un rendement pour des pommes séchées dans des conditions météorologiques idéales, et avons obtenu un résultat d’environ 2 kg de pommes par heure dans notre cas. Or, avec un déshydrateur électrique industriel, on peut estimer un rendement dans le même cas d’utilisation de 2 à 5 fois supérieur.
Il semblerait donc que notre système technique soit dépassé d’un point de vue des performances, même si le prix des séchoirs industriels peut être rédhibitoire (souvent dans les 4 000 €, voire plus), ce qui peut jouer de manière significative. La nécessité d’un bon éclairement semble alors être un des plus grands obstacles à une éventuelle diffusion du système, car aucun agriculteur ne peut se permettre de perdre une récolte si son système de conservation n’est pas disponible à cause d’une intempérie. De plus, la variabilité de l'efficacité du séchage selon les aliments peut poser problème au niveau de la facilité d’utilisation.
Retour sur le cas d'usage⌗
Le cas d’usage défini au préalable, soit les petits agriculteurs locaux français, reste assez large : il n’y a pas de spécifications au niveau du type de culture ni au niveau de la localisation. Les études technique et socio-économique nous permettent de valider, de modifier ou d’invalider ce choix.
Tout d’abord, la partie technique donne lieu à une première validation de notre cas d’usage tout en faisant apparaître les limites liées à son utilisation. Comme il n’est pas possible de fournir ni un rendement précis pour chaque fruit séché ni un temps de séchage optimal, un problème d’acceptation du système peut apparaître. Les agriculteurs ne disposent pas de beaucoup de temps. D’après les données chiffrées de l’INSEE [1], il s’agit des personnes qui travaillent le plus en France avec une durée hebdomadaire de 53 heures sur l’année 2021. Cependant, l’utilisation d’un séchoir solaire nécessite un certain temps : découpage et/ou épluchage des fruits, mise en place dans le séchoir, entretien de la structure, etc. Ainsi, les agriculteurs doivent être convaincus que consacrer une partie de leur travail quotidien à ce système est utile. De plus, un autre problème est soulevé par la dépendance à la météo : un ciel nuageux empêche le système de fonctionner, et c’est un contretemps qui peut se montrer très handicapant.
L’étude socio-économique remet en question la validation du cas d’usage. En effet, même si les agriculteurs s’approprient le séchoir, rien ne garantit que la production de fruits séchés sera rentable. Le système est compromis pour deux raisons : d’une part, la consommation de fruits séchés en France n’est pas extrêmement répandue. D’autre part, même si elle l’était, les systèmes concurrents (ici les séchoirs électriques, industriels ou domestiques) opèrent bien mieux, au point que même si les prix de l’électricité grimpaient, les concurrents seraient plus attractifs pour les agriculteurs. De plus, avant de convaincre les agriculteurs, il faut les atteindre. Les agriculteurs sont une population vieillissante et disposant de moins de temps que le reste des Français et sont donc moins atteignables par le marketing. Ainsi, ils peuvent ne pas comprendre ou ne pas être touchés par la démarche low-tech à l'origine du déshydrateur solaire.
Pour conclure, bien que notre système fonctionne de manière efficace d’un point de vue technique, son implémentation dans notre cas d’usage semble extrêmement compromise. L’efficacité des systèmes concurrents (séchoirs électriques) nous rend bien trop peu compétitifs malgré les prix unitaires de nos séchoirs. Même en considérant un essor des low-tech en France, une augmentation massive de la consommation des fruits séchés et un renchérissement important de l’électricité, notre système est trop peu performant dans le contexte des exploitations agricoles de petite taille.
[1] Insee Références. Fiche 3.4 – Durée et conditions de travail. Dans : France, portrait social, édition 2022, 22/11/2022, pages 150-151. Disponible sur : https://www.insee.fr/fr/statistiques/6535245?sommaire=6535307